Communiqué de presse au sujet d’une étude réalisée dans le cadre d’un travail de master de l’Université de Neuchâtel, 03.06.2021
Les néonicotinoïdes sont omniprésents dans l’environnement. Une étude récente a montré que 74% des poissons sauvages de la région sont contaminés par au moins un de ces insecticides. Les concentrations trouvées sont problématiques pour l’environnement mais inférieures aux normes en vigueur pour les aliments. Les poissons pourraient être utilisés pour le suivi de la qualité de nos écosystèmes aquatiques.
Les néonicotinoïdes, des insecticides à large spectre persistent dans l’environnement et contaminent de nombreux écosystèmes terrestres et aquatiques. Lors de la sortie annuelle du conseil général de la ville de Neuchâtel, en 2019, les participants avaient été amenés à récolter des échantillons d’eau de la rivière ou du plan d’eau de leur choix. Les résultats étaient inquiétants. Seuls deux cours d’eau analysés étaient exempts de ces pesticides. La contamination du Seyon flirtait avec les seuils limite pour la santé de l’écosystème.
Il n’en fallait pas moins pour motiver une étude de plus grande ampleur, réalisée dans le cadre d’un travail de master de l’Université de Neuchâtel, afin de déterminer le niveau de contamination de nos rivières et de notre lac. Pour ce faire, nous avons eu l’idée d’utiliser des poissons sauvages comme échantillonneurs de leur environnement. Nous avons vérifié la présence de néonicotinoïdes dans les foies de 184 poissons capturés dans des rivières du canton de Vaud, de Neuchâtel et du Jura, ainsi que dans le lac de Neuchâtel. Notre échantillonnage couvre principalement 7 espèces de poisson (chevaine, Brochet, Perche, Silure, Corégones – bondelle, Gardon et Lote). 74% des captures étaient contaminées par au moins un néonicotinoïde à une concentration au-dessus de la limite de détection. Nos résultats ont révélé que certaines espèces étaient plus contaminées que d’autres. Ces différences de contaminations peuvent être expliquées par leur écologie et par la couverture agricole (%) des différents bassins versants étudiés. Ainsi, les prédateurs, en bout de chaîne alimentaire, les poissons benthiques et les poissons capturés à proximité de grandes cultures étaient plus contaminés que les autres.
Un fait marquant de cette étude est la contamination de 100% des perches analysées par du thiaclopride, une molécule utilisée pour traiter le colza. Ce résultat n’est guère surprenant car c’est un des néonicotinoïdes encore autorisé en Suisse. En effet, l’interdiction de l’imidaclopride, de la clothianidine et du thiametoxam a favorisé l’usage de cette molécule pour protéger les cultures. Or, l’Office Fédéral de l’Agriculture prévoit justement de l’interdire d’ici quelques années.
La concentration moyenne totale était de 0,034ng/g, une valeur bien en-dessous de la limite pour la consommation humaine. Il n’y a donc aucune contre-indication à consommer ces poissons. Si ces valeurs semblent faibles, ce résultat ne représente que la pointe émergée de l’iceberg : en effet, ces poissons contiennent certainement plus de pesticides car nous n’avons analysé que de 5 pesticides sur les environ 300 homologués en Suisse. En effet, en 2014, l’observation nationale de la qualité des eaux de surface a détecté 104 pesticides dans 5 affluents Suisse. Chaque échantillon contenait un cocktail d’au moins 40 pesticides et dans 78% des cas, la concentration cumulative dépassait les 1000 ng/L. Une autre étude de l’Office fédéral de l’environnement montre que la concentration de thiaclopride dépassait régulièrement les normes en vigueur concernant la contamination chronique de l’habitat entre 2015 et 2017.
Notre étude démontre encore une fois l’omniprésence de néonicotinoïdes dans notre environnement et met en évidence la pertinence d’utilisation d’indicateurs biologiques tels que les poissons comme sentinelles afin d’évaluer les contaminations des eaux par les pesticides, au cours du temps.
« Utilisation des poissons pour évaluer la contamination par des pesticides de la classe des néonicotinoïdes, des rivières de l’arc jurassien et du lac de Neuchâtel » : Résumé
Prof. Alex Aebi et Louise Barbe (Laboratoire de biodiversité du sol, Unine)